jeudi 17 septembre 2009

Naples par Ernest Pignon-Ernest (1988-1990)

"A Naples, l'histoire ne s'efface pas; s'y superposent mythologies grecques, romaines, chrétiennes... Mes mages interrogent ces mythes, elles tracent des parcours, elles traitent de nos origines, de la femme, des rites de mort que secrète cette ville coincée entre Vésuve et les terres en ébullition de la Solfatare, sous laquelle Virgile, déjà, situait, les enfers." Ernest Pignon-Ernest

http://www.pignon-ernest.com/p/naples.htm

Jacques Derrida et Jean-François Bonhomme, Demeure, Athènes (bis)

"Il n'y a de deuil, et de mort, je ne dis pas de mémoire innocente, que pour ce qui regarde le soleil. Toute photographie est du soleil."

Jacques Derrida et Jean-François Bonhomme, Demeure, Athènes, Paris, Galilée, 2009 [1996].

samedi 12 septembre 2009

Jacques Derrida et Jean-François Bonhomme, Demeure, Athènes

"Nous nous devons à la mort." Photographier, écrire la lumière. Retard. Obturateur. Demeure. Demorari: rester, s'attarder, tarder ou retarder. Demori: mourir, dépérir. Où cela ? A Athènes. Hommage.

Jacques Derrida et Jean-François Bonhomme, Demeure, Athènes, Paris, Galilée, 2009 [1996].

samedi 5 septembre 2009

Quignardise (1)

"Le fonctionnement de l'esprit n'est pas fait pour le réel."
Pascal Quignard à Alain Veinstein, Du jour au lendemain, France Culture, 4 septembre 2009.


mardi 1 septembre 2009

De la nécessité de la critique

"Il y a des lignes qui sont des monstres: la droite, la serpentine régulière, surtout deux parallèles. Quand l'homme les établit, les éléments les rongent. Les mousses, les accidents rompent les lignes droites de ses monuments. Une ligne toute seule n'a pas de signification; il en faut une seconde pour lui donner de l'expression."

Eugène Delacroix, Journal, 1843

mercredi 26 août 2009

Confucions (2)

"Dépêche-toi de faire ce qui ne presse pas, pour avoir le temps de t'occuper de ce qui presse !"

Confucius

Confucions (1)

"Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie."

Confucius

Pensée complexe

"La pensée complexe ne refuse pas du tout la clarté, l'ordre, le déterminisme. Elle les sait insuffisants. Elle sait qu'on ne peut pas programmer la découverte, la connaissance, ni l'action."

Edgard Morin, La Pensée complexe, Folio Essais.

mardi 18 août 2009

Un topique (1)

"Impose ta chance, serre ton bonheur,
Et va vers ton risque,
A te regarder ils s'habitueront."

René Char, Les Matinaux (1950)

Le Sang noir - Louis Guilloux

Louis Guilloux (Saint-Brieux, 1899-1980) est aujourd'hui un écrivain largement méconnu. Pourtant, secrétaire du 1er Congrès mondial des écrivains antifascistes en 1935, puis responsable du Secours Rouge international (futur Secours populaire) qui vient en aide aux réfugiés de l'Allemagne hitlérienne et aux républicains espagnols, il compte parmi les figures les plus importantes de son temps. Il accompagnera même André Gide lors de son célèbre voyage en URSS en 1936. Sa bibliographie est plus qu'abondante.
Le Sang noir est l'un de ses romans les plus connus. C'est aussi l'un des plus denses. Reprenant en plus 300 pages, 24h d'activités d'une ville de province pendant le premier conflit mondial il offre des études psychologiques des personnages primaires et secondaires rarement aussi détaillées. C'est aussi un portrait sans concession de l'autre aspect de la guerre, à savoir celui de ceux restés "à l'arrière" qui, entre petites victoires, chauvinisme ou au contraire contestation, dévoilent les faces les plus sombres de leur être. Comme bien souvent, chez Louis Guilloux, la critique est acerbe, le constat terrifiant. L'homme serait-il décidément un loup pour l'homme ?
NB: Un prix Louis Guilloux a été créé en 1983 par le Conseil général des Côtes d'Armor « pour perpétuer les valeurs littéraires et morales de l'écrivain breton ». Ce prix est décerné chaque année à une œuvre de langue française ayant une « dimension humaine d'une pensée généreuse, refusant tout manichéisme, tout sacrifice de l'individu au profit d'abstractions idéologiques ». Notons qu'en 2007 Christian Prigent fut lauréat de ce prix pour Demain je meurs publié chez POL.

mardi 23 juin 2009

De Lippi à Kandinsky



A Kind of War

[in progress]

Le WIELS, côté cour



[A défaut du reste, D.R.]

vendredi 27 mars 2009

Pensées pour A.B.

Il y a des personnes que l'on voudrait immortelles. Pourtant, pourtant, même leur proximité avec les dieux ne le permet pas. A. B. faisait partie de celles-là. Chapeau bas l'artiste.

mercredi 4 mars 2009

Paris, 1927: Michel Seuphor sur le pont des Arts


Andor Kertész (1894-1985), dit André Kertész, Paris, 1927. Seuphor sur le pont des Arts, Paris, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine. [Source: www.photo.rmn.fr]



L'infini est ici.
L'éternité maintenant.

C'est nous qui les vivons
le temps de notre vie,
c'est nous qui les créons
à chaque heure autrement.

Enchainés avec le tout.
Entre hier et demain.

Et le total de ces enchaînements
c'est l'être absolu
peut-être.

C'est le cercle parfait
peut-être.
Ou imparfait
(c'est mieux)
avec un très petit défaut
juste pour permettre
de poser une question
qui n'a pas de réponse
mais qui se pose quand-même
juste par erreur
par une petite erreur
tout juste
qui est la cause de tout cela

peut-être.



Michel SEUPHOR, "Inédits", in Michel Seuphor, écrits, œuvres, documents et témoignages, Paris: Carmen Martinez éditions, 1976, p. 157.

mardi 3 mars 2009

Voici, mon Frère, un peu de sable...


Portrait de Max Elskamp par Félix Valloton paru dans Le Livre des masques de Rémy de Gourmont (vol. II, Paris, Mercure de France, 1898).


"
Voici, mon Frère, un peu de sable,
Et puis aussi des grains de riz,
Le grain aux vivants secourables,
Et le sable aux morts de merci,

Et c'est tout ce que je t'apporte
Des lointains chemins que j'ai faits,
O mon Frère, qui m'attendais
En foi, après tant d'heures mortes.
"

"A mon frère Jean de Bosschère", dédicace de Max Elskamp à son ami Jean de Bos(s)chère en tête du recueil Les Fleurs vertes publié à Bruxelles en 1934.

L'Homme barbelé, ou Ferdinand universel


A 52 ans Béatrice Fontanel signe un premier roman, important, sur les conséquences, humaines et psychologiques, de la guerre. Un récit essentiel, tout en nuance et en finesse.


Ferdinand ne sait pas aimer. Au lieu de parler, il hurle. Au lieu de remercier, il rejette. C’est en tout cas l’image de lui qu’il donne à son épouse, Thérèse, et à ses enfants, trois garçons – le Baron, Paul, Kiki – et une fille – Pipe. Il a d’ailleurs surnommée cette dernière ainsi car elle a la lourde et unique tâche de lui apporter sa pipe, preuve du peu d’attention qu’il pouvait lui porter. Et pourtant, et pourtant… Ferdinand n’est pas le même à l’extérieur de chez lui. Souriant, parfois goguenard, il est sociable au café. Gentil avec une femme étrange dont la gorge semble avoir été tranchée de part en part comme en témoigne la longue cicatrice qui longe son cou, malgré le collier qu’elle porte pour essayer de la dissimuler.


Après ce premier portrait peu favorable, qui fait d’ailleurs dire à Kiki, le plus jeune des fils, lors de l’arrestation de son père : « Enfin, une journée tranquille ! », et nous laisse, avouons-le, quelque peu dubitatifs face aux qualités du héros qui nous est proposé, Béatrice Fontanel nous emporte vers un autre portrait, celui de la guerre, celui des guerres, de ces deux guerres immondes qui ont marqué du sang de leurs victimes les deux moitiés du précédent siècle. On y (ré)apprend, au gré de chapitres qui s’emboîtent les uns dans les autres, la boue, le sang, les larmes, l’angoisse, l’alcool, l’urine et les gaz. Comment les soldats qui étaient sur le front de Verdun en 1916 ont été marqués à jamais par cette expérience à la fois exaltante et décourageante. Comment ils sont devenus des « hommes-barbelés », des « hommes-boue », des « hommes-trains ». Comment les âmes en construction de ces jeunes mobilisés se sont transformées en une vase lénifiante et gluante. Comment elles ont été définitivement brisées.


Ironie du sort, Ferdinand connaît aussi la déportation, lors de la seconde guerre mondiale. Les camps d’extraction de minerai à Mauthausen, la cueillette des escargots pour tenter de survivre – un peu –, la dysenterie, les trains bondés, l’odeur des cheveux et des ongles brûlés dans les fours. Une nouvelle fois, il est confronté à la réduction de la race humaine en de simples outils logistiques même pas dignes d’être entretenus.


Béatrice Fontanel ne juge pas. Elle explique, petit à petit. Peu à peu. En même temps qu’elle découvre – du moins nous le fait-elle croire. Elle n’excuse rien, ni le caractère ignoble de Ferdinand envers les siens, ni la violence des Allemands. Elle constate, simplement. Partie d’une histoire familiale, elle lit des archives, se rend sur les lieux des crimes et elle constate. Elle constate que Ferdinand avait un peu plus de vingt ans lorsqu’il est parti sur le front de 14-18. Constate qu’il y a fait preuve de courage et de camaraderie. Constate qu’il y a vécu les gaz, les pulsions meurtrières des siens envers l’ennemi ou envers eux-mêmes, la mauvaise gestion des troupes par l’Etat français, les hommes qui marchent pieds nus et boivent l’eau des trous d’obus où baignent des cadavres. Elle constate que Ferdinand n’a pas su aimer ses enfants. Constate qu’il a traversé les camps sans même être surpris de la barbarie qui y avait cours. Elle constate aussi qu’une jeune femme, fuyant les bombardements de Dresde par les Alliés, emmenait, dans sa valise, les restes de son enfant calciné.


Les conflits mondiaux ont déjà donné lieu à une abondante littérature. Outre les livres nationalistes ou pacifistes parus dans les années 1920-1930 et les témoignages issus des camps, il ne se passe pas une année sans qu’un livre ou un film n’aborde le sujet. Petit à petit le voile se lève : après l’enfer des tranchées (Tardi, C’était la guerre des tranchés, 1993, ou le recueil Paroles de poilus, 1998), on découvre ou redécouvre le rôle joué par les indigènes (Indigènes, 2006), les gueules cassées (La Chambre des Officiers, 2001), les Allemands gentils (Walkyrie, 2009), ou moins gentils (Gunther Grass, Pelures d’oignon, 2007). Assez diront les uns. Peut-être pas, leur répondrons-nous.


A l’aube de la disparition des derniers témoins vivants ayant vécu ces drames humains – à l’image de cette page 254 qui s’envole dans le roman et que l’auteur doit aller chercher sur les toits –, il y a encore beaucoup à faire pour mesurer les conséquences, humaines et psychologiques, de la violence de ces conflits sur nos sociétés actuelles. Pour se rappeler la violence de l’Algérie, ou, plus récemment, celle des conflits au Proche-Orient. Et se dire qu’il est peut-être, enfin, temps d’arrêter. Tel est, nous semble-t-il, la fonction de ce livre salvateur, à la fois âme de notre âme et piqûre de rappel. A la fois témoin de la souffrance des uns et témoin de sa répercussion sur les autres. Sans être un pamphlet contre la guerre, il s’agit bien, ici, d’un plaidoyer pour la paix. Probablement afin, qu’il n’y ait plus, définitivement, « d’hommes dont les morts ont violé les âmes » (le poète Wilfred Owen, cité p. 199).


Béatrice Fontanel, L’Homme barbelé, Grasset, 2009.